Indispensables
Les chauves-souris sont indispensables à l’équilibre des écosystèmes et ce dans différents domaines. Les insectivores ont un rôle dans la régulation des insectes notamment des moustiques. En consommant de grandes quantité d’insectes (le molosse commun par exemple consommerait chaque nuit entre 200 et 600), les chauves-souris s’apparentent donc à un insecticide géant naturel et gratuit.
Les espèces frugivores et nectarivores ont elles un rôle clé dans la pollinisation et la dissémination de graines. Tout comme les insectes pollinisateurs, en passant d’une fleur à l’autre pour récolter le nectar, les chauves-souris nectarivores transportent le pollen et participent donc à la reproduction de certaines plantes. Les frugivores participent quant à elles à la dissémination des graines, en consommant les fruits et rejetant les graines par leurs déjections. Certaines espèces d’arbres, arbustes, lianes ou épiphytes (plante utilisant une autre plante comme support) sont ainsi disséminées : bois canon, fromager, figuier, clusia, ailes à mouche, siguine et bien d’autres.
Espèces locales
Les chauves souris, scientifiquement nommées chiroptères (littéralement les mains-ailes), sont les uniques mammifères indigènes de Guadeloupe, c’est-à-dire les seuls présents naturellement sur l’archipel. Il existerait dans le monde environ 1 400 espèces de chauves-souris, soit un cinquième des 6 500 espèces de mammifères connues.
En Guadeloupe 14 espèces sont présentes, parmi lesquelles certaines sont propres à une zone géographique considérée, on parle dans ce cas d’endémisme.
Ainsi 7 espèces sont endémiques des Petites Antilles, et une espèce est endémique stricte de Guadeloupe (la Sérotine de Guadeloupe) et ne se trouve donc nulle part ailleurs.
Les Chauves-souris de Guadeloupe sont réparties en 6 familles différentes.
Toutes différentes
Bien qu’elles soient toutes des animaux nocturnes volants, les espèces de chauves-souris n’ont pas toutes le même régime alimentaire ni le même habitat ; certaines se retrouvent plutôt en mangrove, en foret humide ou en zone urbaine.
Certaines espèces sont insectivores (Eptesicus guadeloupensis, Molossus molossus, Myotis dominicensis, Natalus stramineus, Pteronotus davyi, Tadarida brasiliensis) et vont donc déguster à la nuit venue : moustiques, moucherons, papillons, fourmis volantes, termites etc.
D’autres sont frugivores et/ou nectarivores et vont donc se nourrir de fruits ou de nectar (Ardops nichollsi, Artibeus jamaicensis, Artibeus schwartzi, Chiroderma improvisum, Monophyllus plethodon, Sturnira thomasi).
Les chiroptères peuvent également pêcher, c’est le cas de la piscivore Noctilio leporinus, qui est la plus grande des chauves-souris de Guadeloupe.
D’autres encore sont omnivore comme Brachyphylla cavernarum.
Mal perçues
Les chiroptères souffrent d’une mauvaise image auprès du grand public et de très nombreuses idées reçues sont tenacement ancrées dans les esprits (dangereuses, peu esthétiques, inutiles, etc) alors même que leurs rôles écosystémiques sont innombrables (régulation des insectes notamment des moustiques, pollinisation, dissémination de graines, etc). Faire changer de regard sur ces animaux est un levier important pour la protection de ces espèces, car les pressions humaines directes constituent la majorité des menaces sur les chiroptères. En témoignent les nombreuses affiches de publicité pour des nettoyages de maisons les associant au terme de « nuisibles ».
En danger
La liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) 2022 sur la faune de Guadeloupe place 5 espèces en danger :
Sérotine de Guadeloupe (Eptesicus guadeloupensis) : danger critique d’extinction (CR)
Chiroderme de Guadeloupe (Chiroderma improvisum) : en danger (EN)
Sturnire de Guadeloupe (Sturnira thomasi) : en danger (EN)
Natalide isabelle (Natalus stramineus) : vulnérable (VU)
Monophylle des Petites Antilles (Monophyllus plethodon) : vulnérable (VU)
Les activités humaines peuvent être sources de pressions sur ces espèces fragiles, notamment par l’aménagement du territoire : déforestation entraînant une dégradation et fragmentation de leurs habitats, pollution lumineuse, pollution par les pesticides, et plus récemment le développement de l’énergie éolienne. Mais ces espèces sont également menacées par le braconnage pour la consommation de leur chair, par la prédation par des espèces exotiques envahissantes (EEE) et par la destruction volontaire (pour les chasser d’un toit par exemple).
Ces pressions liées aux activités humaines, qu’il s’agisse de mortalité directe, ou de diminution du nombre de gîtes et des milieux de chasse favorables, impactent le nombre d’individus présents sur l’archipel.
Espèces protégées
Ces espèces fragiles sont toutes protégées en Guadeloupe. Pour rappel, il est donc interdit de détruire, capturer, transporter, vendre ou mutiler toutes les espèces de chauves-souris. Il est également interdit de perturber intentionnellement les espèces (et notamment pendant la période de reproduction et de dépendance) ainsi que leurs habitats. Le non-respect de cette réglementation est puni de trois ans d’emprisonnement et de 150 000€ d’amende.
Découvrez quelque unes des 14 chauves-souris de Guadeloupe
Article rédigé par :
Jeanne Briche
Chargé de mission «Valorisation scientifique»
Département Patrimoines et Appui aux Territoires - Service Patrimoines naturel, paysager et culturel.