De toute évidence d’origine terrestre, les plantes qui composent les herbiers marins actuels se sont adaptés à la vie marine et ont commencé à coloniser le fond des eaux salées entre la fin de l’ère secondaire et le début du tertiaire, soit il y a plus ou moins 65 millions d’années (la fin du règne des dinosaures). Il s’en est suivi une diffusion sur le globe pleine de succès, puisque l’on retrouve les 65 espèces de plantes à fleurs marines distribuées dans l’ensemble des océans de la planète, à l’exception des régions extrêmes de l’arctique et antarctiques.
La carte ci-dessus classe les herbiers par « bio-régions », c’est-à-dire, par un découpage effectué en fonction des ensembles d’espèces que l’on trouve, car leur répartition est due à leur adaptation au milieu. Ainsi, les phanérogames marines sont classées en 6 grandes bio-régions, on constate que les espèces présentes dans la Caraïbe sont répandues entre la côte ouest Africaine jusqu’à la côte ouest Mexicaine.
Par « phanérogames », ou plutôt « Magnoliophytes » comme elles ont été renommé récemment, nous parlons des plantes possédant des fleurs et des graines, ce qui est sans que l’on s’en rende compte une caractéristique qui n’est pas partagé par tous les végétaux. On retrouve dans nos eaux pas moins de 6 espèces de cette catégorie, mais les deux principales sont bien l’herbe à lamantin « Syringodium filiforme » et l’herbe à tortue « Thalassia testudinum ».
On distingue ces deux espèces aisément grâce à plusieurs critères :
- Syringodium f. se caractérise par des feuilles en forme de fil, longues de 50cm maximum à l’extrémité arrondie, rassemblées par paquet de 2 à 4 feuilles par section du rhizome. Ce dernier est très peu ancré en profondeur et ces racines se trouvent par groupes de 3 directement sous la zone d’implantation des feuilles.
- Thalassia t. possède des feuilles à l’allure de rubans, vert clair et portant des sillons, leur extrémité est arrondie. D’une longueur de 30cm maximum, les feuilles formes une sorte de bouquet. Les discrètes fleurs sont blanc verdâtres et ont l’apparence de petites « étoiles ». La partie inférieure est quant à elle composée d’un rhizome rampant, plongeant de quelques centimètres dans le sable.
Les deux espèces peuvent cohabiter mais on reconnaît les sites à T. testudinum car elle occupe les fonds sableux à vaseux situé entre la surface et 10m de profondeur, en formant des zones touffues homogènes. Quant à S. filiforme, elle s’installe essentiellement dans le sable, mais jusqu’à 30m de profondeur, ou elle forme des pelouses clairsemées.
En plus de fournir un habitat (poissons juvéniles, oursins blancs, lambis, étoiles de mer) et une source de nourriture à de nombreuses espèces (tortues vertes, tortues imbriquées, oursins, perroquet des herbiers), ces formations végétales fournissent de l’oxygène directement dans le milieu aquatique. De plus, leur action de filtration de l’eau pour se nourrir empêche l’accumulation de particules dans le milieu, préservant la clarté des eaux côtières. Mais ce n’est pas tout, leurs racines, ancrées dans les fonds sableux (ou vaseux) réduisent l’érosion et les feuilles atténue l’énergie des vagues !
Bien évidemment, ces Magnoliophytes ne sont pas insensibles aux actions néfastes de l’être humain sur son milieu et sont victimes de la pollution, notamment agricole, qui se déversent dans les océans. Il en va de même avec l’introduction d’espèces invasives, comme d’autres herbes marines exotiques (Halophila stipulacea), qui prennent la place des végétaux locaux, ou encore des ancres de navires qui arrache les fonds sableux et emportent des fractions entières de prairies marines.
Malgré ces menaces, le Parc National à bien comprit l’intérêt de ces sites exceptionnel et se penche depuis longtemps sur leur étude. C’est ainsi que depuis 1997 jusqu’à juin 2020 (pour le dernier relevé en date), le Parc effectue un suivi annuel des plus grands champs de plantes marines du Grand Cul-de-Sac Marin. Densité des champs, surface, répartition, hauteur du feuillage, relevés des populations d’invertébrés sont autant de facteurs analysés pour comprendre l’évolution de ces milieux et leur attribuer des mesures de gestions adaptées. C’est une chance inouïe d’avoir ce patrimoine naturel si riche sur le territoire guadeloupéen, alors préservons-le et n’hésitez pas à en profiter ; tous à l’eau !
Article rédigé par :
Barthélémy DESSANGES
Chargé de mission «Vulgarisation scientifique»
Département Patrimoines et Appui aux Territoires - Service Patrimoines naturel, paysager et culturel
Date de publication : Mars 2021