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Le racoon, d’emblème du Parc à paria

Mais comment le racoon a-t-il pu passer en seulement quelques années d’emblème du Parc national de la Guadeloupe à persona non gratta ? D’espèce protégée à espèce exotique envahissante ? La réponse est à chercher dans une erreur originelle commise lors de la caractérisation de son espèce. On vous explique tout ça.

Nous sommes le 20 février 1989 et le premier Parc national des Outre-mer voit le jour en Guadeloupe. L’établissement, fruit d’une dizaine d’années de gestation, se donne pour mission, entre autres, de préserver et valoriser les patrimoines naturel et culturel de la Guadeloupe.
 

Animal totem


Et pour incarner tout cela, le Parc jette son dévolu sur un charmant petit animal, qu’on croit endémique aux Petites Antilles, le racoon. "S’il a été choisi, c’est sans doute parce qu’il était déjà l’emblème du Parc naturel de Guadeloupe, la structure qui précédait le Parc national", se rappelle Georges Petit-Lebrun, garde-moniteur et agent du Parc national de la Guadeloupe depuis sa création.

Racoon de Guadeloupe
Racoon de Guadeloupe


Le mammifère, nocturne et arboricole, avec son petit museau pointu et son regard rieur, séduit petits et grands. À la fin des années 80, il est d’ailleurs la mascotte de bon nombre d’organismes, comme le Régiment du Service Militaire de la Guadeloupe (RSMA), qui le conserve encore à l’heure actuelle, ou EDF. Au Parc, il s’expose partout. "Il était représenté sur les bateaux et les véhicules du Parc, sur tous nos supports de communication et nos goodies. Il indiquait même la limite de nos sentiers", se rappelle Georges Petit-Lebrun. Le racoon, véritable animal totem du Parc, est à l’époque une espèce protégée car ses caractéristiques biologiques, comme sa taille, sont bien différentes de celles du raton laveur du continent américain. On l’appelle alors procyon minor en opposition au procyon lotor américain. Mais l’idylle va durer moins de 10 ans.
 

Image d'archives du Parc national de la Guadeloupe
Image d'archives du Parc national de la Guadeloupe
Simone Mège, Jocelyn Thrace et Alex Chek Mahomed sur le "Coccoloba" en 1993

 

Ancienne limite des sentiers du parc national de la Guadeloupe
Ancienne limite des sentiers du parc national de la Guadeloupe
Ancienne limite des sentiers du Parc national de la Guadeloupe
Ancien véhicule du Parc national de la Guadeloupe
Ancien véhicule du Parc national de la Guadeloupe
Georges Petit-Lebrun et Patrice Segrétier devant un ancien véhicule du Parc national de la Guadeloupe

 

Cohabitation


Quelques années plus tard, les Parcs nationaux se choisissent un logo commun, dont la couleur change en fonction des régions. Une spirale en forme d’hymne à la nature et à la biodiversité est imaginée. Elle révèle l’extrême diversité des territoires et symbolise la solidarité entre la nature et l’homme. L’emblème se compose alors d’une multitude d’espèces végétales et animales rappelant chaque parc. Sont ainsi représentés par exemple un gypaète, un hibou grand duc, une marmotte, un chevreuil ou un bouquetin. Et le racoon fait de la résistance. Il est toujours là, certes relégué au second plan, tout en bas à droite, mais toujours bien là. "Pendant un moment, les deux logos ont cohabité. Celui avec le racoon qu’on portait fièrement sur la manchette gauche de notre uniforme et celui avec la spirale en médaille", évoque le garde-moniteur.
 

Logo des Parcs nationaux de France avec le racoon entouré
Logo des Parcs nationaux de France avec le racoon entouré

 

Georges Petit-Lebrun et Patrice Segrétrier sur une embarcation du Parc
Georges Petit-Lebrun et Patrice Segrétrier sur une embarcation du Parc


Le racoon, ce bon vieux raton laveur
 

Le racoon vient de perdre une première bataille. Il est tout proche de perdre la guerre. Des études génétiques menées en 1998 vont tout faire basculer. Elles révèlent que le racoon n’est pas du tout une espèce endémique de Guadeloupe et qu’il a le même patrimoine génétique que le raton laveur du continent américain. "En fait, c’est tout simplement un raton laveur originaire des États-Unis et vraisemblablement introduit par l’homme sur l’île au début du 19ème siècle. Et les différences morphologiques entre les deux animaux sont sûrement dues à la taille du territoire et la nourriture disponible", explique Maïtena Jean, chef du service Patrimoines au Parc national.

Racoo de Guadeloupe
Racoo de Guadeloupe
Racoo de Guadeloupe


"Dans la mesure où il a été longtemps protégé, il a rapidement proliféré sur le territoire. C’est un animal qui vit essentiellement dans les arbres, qui descend la nuit, se nourrissant de tout: fruits, petits animaux, insectes, œufs d’oiseaux", précise Maïtena Jean. Il nuit donc à la population de certains insectes et de certains oiseaux même si à ce jour, on ne sait pas quel est son impact réel sur les milieux naturels, contrairement à la mangouste par exemple. Il crée également de nombreux dégâts sur les cultures agricoles.

 

Une espèce chassable ?
 

Il est désormais considéré comme une espèce exotique envahissante (EEE) depuis 2014, c’est-à-dire une espèce introduite par l’homme hors de son aire de répartition naturelle et qui menace les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces locales. Il a été intégré à la liste des EEE en 2020 par la DEAL.

Racoon ©Guy Van Laere
Racoon ©Guy Van Laere


Sa chair reste appréciée de nombreux Guadeloupéens. Mais alors, dans la mesure où il est devenu une EEE, peut-on le chasser ? "La réponse est non dans la mesure où l’espèce ne figure pas sur la liste fixant les espèces gibier", explique Antonny Grolleau, chef de service départemental à l’Office français de la biodiversité.

L’introduction, la détention, le transport et le commerce du racoon sont aussi interdits. Sa détention en captivité est quant à elle soumise à un certificat de capacité et une autorisation préfectorale d’ouverture. En Guadeloupe, seul le parc zoologique des Mamelles possède cette autorisation.

Boris Courret