Bagues métalliques ou colorées?
L’identification des oiseaux à distance avec des marques colorées (bagues, marques nasales ou alaires) reste à ce jour la méthode de suivi individuel la plus largement utilisée de par le monde pour de nombreuses études. Elle permet de suivre beaucoup d’individus à moindre frais par rapport aux nouvelles techniques de tracking GPS. Ce marquage coloré est bien sûr toujours accompagné de la pose d’une bague métallique traditionnelle sur laquelle apparait un numéro unique associé au nom de la centrale ornithologique ayant délivré la bague.
Le type de marquage le plus utilisé reste la mise en place d’une ou plusieurs bagues colorées sur une ou les deux pattes de l’oiseau. Si la masse de l’oiseau est importante, il est alors possible de n’utiliser qu’une seule grosse bague sur laquelle apparaît un code alpha-numérique. Si l’oiseau est de très petite taille et ne peut supporter beaucoup de poids, seront alors utilisées plusieurs petites bagues-couleur aux deux pattes formant un code couleur unique.
Ainsi, il sera possible contrairement à une bague métallique classique de pouvoir lire la bague ou le code à distance, et de connaître l’identité de l’oiseau sans avoir besoin de le re-capturer.
Pour certains oiseaux, d’autres types de marquages sont employés selon la morphologie ou l’écologie de l’oiseau : colliers, marques alaires, marques nasales...
En Guadeloupe, il vous sera possible d’observer par exemple des passereaux avec de petites bagues couleur, des limicoles avec aux pattes de petits drapeaux plastiques codifiés, des frégates avec des marques alaires jaunes codifiées...
En cas d’observation d’un oiseau marqué, il convient de noter l’emplacement exact de chaque marque et de l’éventuel code qui y est associé. (Exemple : passereau avec bague rouge au dessus d’une bague métallique à la patte gauche et sur la patte droite une bague bleu clair au dessus d’une bague orange). Au mieux, vous pouvez réaliser une photographie.
Ces observations sont d’une importance capitale car elles nous permettent de suivre l’itinéraire des oiseaux marqués et éventuellement de connaître leurs habitudes (lieu d’hivernage, de transit en
migration...) ou tout simplement leur origine et leur âge (c’est aussi ainsi que nous arrivons à connaître l’âge que peuvent atteindre les espèces dans la nature).
Voici un exemple montrant l’importance de ces informations pour la connaissance de la biologie de nos oiseaux: Une espèce hivernante en Guadeloupe et pour laquelle nous n’avions pas d’idée précise sur l’origine des oiseaux.
Le Faucon 35K
En octobre 2016, les agents du Pôle Milieux Marins observent un Faucon pèlerin (Falco peregrinus) qui se cantonne en bordure de mangrove non loin de la colonie de hérons de l’îlet Christophe. Les regroupements d’oiseaux tels que les colonies de nidification attirent en effet souvent les rapaces de passage qui se restaurent de poussins ou d’oiseaux adultes.
A la jumelle, les agents constatent que l’oiseau est bagué, notamment d’une bague colorée.
Mais l’oiseau est très farouche et ne se laisse pas suffisamment approcher en bateau pour pouvoir lire la bague à la jumelle ou prendre une photographie au téléobjectif assez nette pour la lecture du code.
L’oiseau est revu régulièrement sur le même site et semble commencer un hivernage complet. Il est donc décidé de tenter de lire cette bague tout en évitant de trop déranger l’oiseau.
L’usage d’une longue-vue n’étant pas réalisable sur un bateau du fait de la gite, la pose d’un piège photographique (appareil photo se déclenchant en fonction des variations de mouvements) est alors tentée sur plusieurs de ses perchoirs. Parallèlement, un affût réalisé à courte distance permettra une lecture de la bague-couleur (K35 sur fond bleu) et d’une partie du code de la bague métallique.
Cette lecture sera contrôlée au visionnage des photographies et vidéos du piège photographique une fois ce dernier relevé.
Moins de 24h plus tard, nous sommes en contact avec l’ornithologue ayant bagué cet oiseau. Ce dernier est étonné de retrouver cet oiseau en hivernage en Guadeloupe, si loin de son pays d’origine. Il est ravi de cette précieuse information.
Ce Faucon Pèlerin est une femelle adulte baguée sur son nid le 26 juin 2016 sur l’île de Baffin à près de 7000 km de là !!
L’ornithologue bagueur travaille dans le cadre d’un programme de recherche universitaire canadien qui étudie l'écologie de la reproduction des rapaces arctiques. La femelle 35K a été capturée dans le cadre d’un suivi environnemental des rapaces sur la Terre de Baffin dans un contexte de développement minier...
Cet oiseau sera observé régulièrement dans le Grand Cul-de-Sac Marin pendant l'hivernage. Il sera vu pour la dernière fois à la mi-avril 2017, sans doute reparti vers son pays lointain. Il s’agit là d’une observation exceptionnelle qui a pu non seulement démontrer la possibilité pour un Faucons pèlerin de venir passer un hivers entier sur notre archipel, mais aussi et qu’ils peuvent venir d’aussi loin que l’Arctique !
Une belle démonstration de l’utilité du baguage coloré tant pour l’équipe de recherche ayant bagué cet oiseau, que pour nous ici en Guadeloupe. Cette observation fait grandement avancer les connaissances sur cette espèce.
Nous avons hâte de savoir si notre faucon 35K est déjà de retour, ou en route vers chez nous cette année !