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La diversité exceptionnelle des forêts de Guadeloupe

De la mer au sommet de la Soufrière, il est toujours surprenant, en quelques kilomètres, de constater la diversité des paysages traversés. Le type de sol, l’altitude, l’exposition au soleil, au vent et à la pluie, sont autant de facteurs qui viennent expliquer la richesse des milieux que l’on peut observer en Guadeloupe. Depuis les littoraux jusqu’au cœur des terres, six types principaux de forêts se distinguent sur l’archipel : la mangrove, la forêt marécageuse, la forêt xérophile, la forêt mésophile, la forêt hygrophile et la forêt altimontaine. En continuité directe des récifs coralliens et des herbiers.

Les différents types de forêts de la Guadeloupe
Les différents types de forêts de la Guadeloupe / Studio Mamä / Muséographie de la Maison de la forêt

 

Les récifs coralliens

Ce sont des édifices calcaires que l’on rencontre dans les régions tropicales. Ils présentent la particularité d’être bâtis par des organismes vivants, principalement des coraux. Les squelettes calcaires de ces animaux demeurent en place après leur mort, se soudent entre eux et finissent par s’accumuler créant ainsi le récif. Les récifs coralliens forment une barrière récifale dans le Grand Cul-de-Sac Marin longue de 29 km, ce qui en fait l’une des plus importante des Petites Antilles. Le récif corallien crée entre Sainte-Rose et Port-Louis un véritable récif barrière qui fait front aux assauts des vagues du large.

Ces écosystèmes récifaux sont indispensables à la vie marine. Certaines espèces se nourrissent de coraux, mais c’est surtout pour y trouver un abri que la faune marine fréquente les récifs. En effet, toutes les anfractuosités créées par les coraux sont propices aux cachettes. Les récifs ont également un rôle de brise vague, permettant de créer des lagons ou baies aux eaux calmes dans lesquelles peuvent se développer les herbiers marins. =

En Guadeloupe, il existe trois espèces d’acropores : Acropora cervicornis aussi appelé corne de cerf, Acropora palmata, le corail corne d’élan et Acropora prolifera qui est un hybride des deux autres espèces.

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crédits Simone Mège - PNG

 

Les herbiers à phanérogames

Ils forment de grandes prairies sous-marines. Ces plantes sont des phanérogames, c’est-à-dire des plantes possédant des graines, et non des algues comme on pourrait le penser de prime abord. En Guadeloupe, on retrouve dans nos eaux plusieurs espèces d'herbiers. Les deux principales sont l’herbe à lamantin (Syringodium filiforme) en forme de long fil et l’herbe à tortue (Thalassia testudinum) à l’allure de ruban.

Il existe une troisième espèce d'herbier dans l'archipel nommée (Halophila stipulacea) aux feuilles très courtes. Cette espèce contrairement aux deux précédentes n'est pas une espèce locale, mais une espèce introduite.

Les herbiers sont indispensables au bon fonctionnement de la vie marine, ils sont en effet un habitat de choix pour de nombreuses espèces : poissons juvéniles, oursins blancs, lambis, étoiles de mer, etc.. et une source de nourriture pour de nombreuses espèces (tortues vertes, oursins, etc...). En plus de ce rôle d'habitat, ces végétaux filtrent l’eau pour se nourrir préservant ainsi la clarté des eaux côtières. Les herbiers, qui sont des végétaux, font la photosynthèse, il produisent donc de l'oxygène dans le milieu marin et absorbent du CO2, ils ont donc également un rôle dans la régulation du climat en stockant du carbone. Et enfin, les herbiers protègent les côtes de l'érosion par leurs feuilles qui atténuent l’énergie des vagues et leurs racines ancrées dans les fonds sableux (ou vaseux).

Les herbiers sont des espèces fragiles soumises à de nombreuses pressions : introduction d’espèces invasives comme Halophila stipulacea qui prennent la place des végétaux locaux, la pollution des terres et des rivières qui sont lessivées lors des pluies et qui se déversent dans les océans, ou encore les ancres de navires qui arrachent les fonds sableux et emportent des fractions entières de prairies marines.

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Herbe à lamantin « Syringodium filiforme », crédits Mélanie Dumoulin

 

La mangrove

Elle représente 8 000 ha située sur les côtes basses protégées des lames agressives, en bordure du Grand et du Petit Cul-de-Sac Marin et à Marie-Galante. C’est un écosystème où se côtoient une flore peu diversifiée et une faune très riche. Ce paysage à part dans l’archipel est principalement symbolisé par la mangrove, écosystème tropical très riche et caractéristique, mais également très fragile et menacé par les activités humaines. Il s’agit de forêts littorales constituées de palétuviers qui évoluent dans un milieu inondé, constamment ou par période, par de l’eau salée ou saumâtre. La biodiversité, en particulier marine, y est considérable. La plus grande mangrove des Petites Antilles se trouve aujourd’hui dans le Grand Cul-de-Sac Marin, du fait de leur régression dramatique dans la Caraïbe, et confère à ce paysage une forte valeur patrimoniale.

Trois paysages principaux peuvent être observés : la mangrove de bord de mer, la mangrove arbustive et la mangrove haute.

  •  Le rivage ou mangrove bord de mer, à la salinité constante (au moins 30 grammes/litres), est le territoire du palétuvier rouge, reconnaissable à ses racines aériennes et seul palétuvier à s’adapter aux sols submergés par quelques décimètres d’eau. Les racines immergées, permettent le développement de balanes, moules, huîtres de palétuvier, éponges... Près d’une centaine d’espèces de crustacés et de poissons ont été recensées dans la mangrove, pour la plupart des juvéniles. Pour les alevins de pagres, de pisquettes, de tarpons comme pour les juvéniles de crevettes et de langoustes, la mangrove est une nurserie, indispensable à l’équilibre et au développement de la faune marine.

  •  À moins d’une dizaine de mètres du rivage, une extrême salinité règne, la mangrove devient arbustive. La carence en éléments nutritifs rend la vie difficile, les palétuviers rouges prennent un aspect plus rabougri et avoisinent les 2 mètres de hauteur contre 10 mètres en bord de mer ! Véritable usine de désalinisation, les palétuviers noirs (Avicennia germinans) et (Avicennia schaueriana) abondent,

  • La mangrove haute, généralement au-delà de la mangrove arbustive, se compose de futaies de dix à vingt mètres de haut. Suivant le niveau de salinité, les peuplements de palétuviers diffèrent : En milieu peu salé, c’est le palétuvier blanc (Laguncularia racemosa) qui domine ; moins commun, le palétuvier gris (Conocarpus erectus) préfère les sols rocheux ou sablonneux.

Mangrove du Grand Cul-de-sac marin @F. Salles

 

La forêt marécageuse

Alchimie étonnante aux confins de la terre et de la mer, les étendues marécageuses opèrent un processus de transformation de la vie marine à la vie terrestre, de l’eau salée à l’eau douce, de l’élément liquide au solide, de la métamorphose à une vie nouvelle. La forêt marécageuse d’eau douce fait suite à la mangrove dans les espaces demeurant inondables, mais hors d’atteinte de la marée, le long des rivières et dans les plaines côtières. Le paysage y est très différent, la végétation tout aussi dense mais davantage diversifiée, dominée par le majestueux Mangle médaille ou Sang- Dragon (Pterocarpus officinalis), arbre de 15-30 mètres qui présente à la base du tronc de puissants contreforts en forme de palettes.

En arrière de la mangrove et de la forêt marécageuse, ou entre ces deux forêts, s’étendent des formations herbacées d’aspects très divers : prairies humides pâturées par des bovins, savanes inondées, marais d’eau douce ou marais saumâtres à Herbe coupante (Scleria secans) ou à Fougère dorée (Acrostichum danaeifolium), difficilement pénétrables. La flore y dépend essentiellement des conditions d’humidité et de salinité des sols.

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La forêt xérophile

À l’interface entre les forêts marécageuses et le début des forêts moyennement humides, se dresse des prairies humides d’eaux saumâtres à douce. Rappelons que cette végétation vit dans des régions ou le niveau annuel des précipitations se situe entre 1000 et 1500 mm avec une température annuelle de 25-26°C et est située aussi bien en zone calcaire de la Grande-Terre qu’en zone d’origine volcanique sur les pentes douces de la côte sous le vent de la Basse-Terre.

Parmi les arbres dominants en zone calcaire, en plus du bois-cannelle, se rencontrent l’acomat bâtard (
Sideroxylon salicifolium), le mapou gris (Pisonia subcordata), le gaïac (Guaiacum officinale), petit arbre ramifié à fruits jaune-orangé ou ne subsistent que quelques pieds dans la nature, notamment à Petite Terre. Parmi les arbres dominants en zone volcanique, s’observe le bois de rose (Cordia alliodora), grand arbre à feuilles caduques, le bois-savonnette (Lonchocarpus punctatus) à écorce grise, le bois d’Inde (Pimenta racemosa), arbre aromatique de taille moyenne ou encore le courbaril (Hymenaea courbaril), l’un des plus beaux arbres de la forêt sèche, qui mesure jusqu’à 30 mètres de haut et dont les gousses épaisses contiennent de grosses graines enfermées dans une pulpe farineuse comestible et légèrement sucrée. Il s’agit de la forêt qui a le plus régressé en Guadeloupe, il resterait moins de 15 % de sa superficie d’origine.

Forêt sèche
Forêt sèche / Association Les Sternes

 

La forêt mésophile

Cette forêt moyennement humide s’élevait à l’origine du littoral jusqu’à 200 mètres d’altitude sur la Côte au Vent et entre 200 et 500 m d’altitude sur la Côte sous le Vent. Très largement exploitée depuis la colonisation au XVe siècle afin de mettre en place des cultures vivrières telles que le cacao ou le café, elle est aujourd’hui remplacée par des bananeraies ou des boisements secondaires.

Végétation luxuriante, les habitats de la région de basse altitude la plus arrosée de la Basse Terre sont fréquentés par l’Anolis (
Marmoratus marmoratus) ou anolis à tête marbrée de la Guadeloupe, lézard arboricole endémique des Petites Antilles, le Typhlops de la Guadeloupe (Typhlops guadeloupensis), petit serpent qui semble largement distribué et abondant sur la Basse-Terre et la Grande Terre, mais qui reste très peu connu (Breuil, 2002). L’anthropisation se note par une agriculture extensive, de type traditionnel, notamment sur les basses et moyennes altitudes (Rousteau, 1996) ainsi que par une urbanisation croissante diffuse incontrôlée.

Forêt saisonnière

 

La forêt hygrophile

Également appelée forêt de la pluie, couvre plus de 80% de la zone de cœur du Parc national de la Guadeloupe (soit 14 500 ha). Hygrophile venant du grec hygros (humide), cette forêt porte bien son nom, elle est particulièrement dense et humide. Elle s’étend sur tout le massif montagneux de la Basse-Terre, jusqu’à environ 1000 m d’altitude. La pluviométrie y est importante, de 1 500 à 5 000 mm par an. Cela correspond à 5000 litres d’eau par m²: c’est l’équivalent de 3 seaux d’eau par jour tous les jours !

Elle se compose d’une végétation étagée qui résulte de la concurrence pour l’espace et la lumière. Au total, ce sont près de 300 espèces d’arbres et d’arbustes, une centaine d’espèces d’orchidées, environ 300 espèces de fougères, dont certaines peuvent atteindre 15 m de hauteur qui constituent une diversité floristique considérable...
 

Forêt dense humide
Forêt dense humide : Fabien Salles

 

La forêt altimontaine

Aussi appelée "forêt des nuages", elle apparaît à partir de 1000 m . La végétation devient moins luxuriante, en raison du vent souvent violent, de l’excès d’humidité (7 à 12 m de pluie par an) et de la persistance des nuages (pratiquement 300 jours par an). Elle n’excède pas 1,50 m de hauteur et prend un aspect rabougri. On y trouve surtout des savanes composées d’ananas montagnes rouges (Pitcaimia bifrons) ou jaunes (Guzmania plumierii), de thym-montagne (Tibouchina ornata). Les seuls arbres sont le mangle de montagne (Clusia venosa) et le laurier rose (Podocarpus coriaceus). Les très hauts sommets sont recouverts de mousses, de lichens, de lycopodes. Dans la forêt tropicale primaire, une flore importante et variée se développe, comprenant 300 espèces d’arbres et d’arbustes, quelques centaines d’espèces d’orchidées. C’est précisément à plus de 1000 mètres d’altitude, sur les crêtes, que sont confinées la plupart des espèces endémiques : le taux d’endémisme y est supérieur à 20 %. Ce phénomène s’explique par le processus de spéciation : les plantes, arrivées du continent américain et du reste de la Caraïbe, ont rapidement été isolées par les reliefs.

 

la soufrière