Cette étude a démarré en 2007 et se focalise sur 2 espèces en particulier : l'oursin blanc qui affectionne les habitats constitués par les herbiers de phanérogames marines principalement Thalassia testudinum et Syringodium filiforme et occasionnellement les récifs coralliens envahis par les macroalgues. Au cours d’une année, deux pontes sont observées : une en saison sèche et une en saison humide.
Les individus reproducteurs se rassemblent en agrégats reproductifs pour émettre les œufs et le sperme dont la rencontre est aléatoire. L’agrégation des individus permet d’améliorer le succès reproductif. L'oursin vert vit essentiellement dans les herbiers à phanérogames marines à Thalassia testudinum. Il se reproduit sur une période qui s’étale de mars à octobre. La maturité sexuelle est atteinte pour un diamètre de test de 4 cm chez cette espèce.
Quelle méthode ?
L'étude a porté sur 3 sites. 2 sites situés en cœur de Parc : une station située à proximité de l'îlet Fajou et une station située sur les herbiers de la Passe à Colas. Le troisième site, hors du cœur de Parc se situe sur l'herbier de l'îlet Caret.
Le choix de sites protégés et non protégés permet de réaliser une comparaison et de mettre en évidence un éventuel "effet réserve".
Ces sites sont équipés de 3 radiales pérennes de 50 m de long. À chacune de ces radiales, un décamètre de 50 m est déroulé suivant une direction côte-large. Les radiales sont matérialisées par 5 bornes de géomètres espacés tous les 12,5 m afin de repositionner le décamètre au retour sur site lors de l’échantillonnage.
Les plongeurs sont répartis de chaque côté de la radiale. Chaque plongeur pousse devant lui une tige de 1 m de long et recense sur une plaquette-écritoire tous les animaux interceptés par la tige le long de la radiale de 50 m.
Que montrent les résultats ?
Pour l’oursin blanc, l’analyse de ces courbes montre un effet réserve pour l’abondance des oursins blancs pour les deux sites localisés en zone classée en cœur de Parc. Ils sont quasi-absents de la station Caret située en aire maritime adjacente (dans une zone soumise à la pêche). Selon les années, on observe une grande variabilité de l’abondance des oursins.
Pour l'oursin blanc en 2024:
• Sur la station de l'îlet Fajou : une perte 98% des individus sur 100m²
• Sur la station de la Passe à Colas : une perte de 100% des individus sur 100m²
• Sur la station de l'îlet Caret : une perte de 100% des individus sur 100m²
Pour l’oursin vert, l’analyse de ces courbes montre une abondance d’oursins verts très importante pour le site de la Passe à Colas et une abondance plus importante pour le site de Fajou par rapport a celui de Caret situé hors cœur de parc.
Depuis 2016, l’abondance des oursins verts régresse de façon considérable pour le site de la Passe à Colas et le site de Fajou et ce jusqu’en 2024.
Pour l'oursin vert en 2024:
• Sur la station de l'îlet Fajou : une perte 85% des individus sur 100m²
• Sur la station de la Passe à Colas : une perte de 81% des individus sur 100m²
• Sur la station de l'îlet Caret : une perte de 20% des individus sur 100m²
Quelles hypothèses pour expliquer ce phénomène ?
La pollution : les gamètes et les embryons d'oursins blancs sont connus pour être affectés négativement par un certain nombre de substances toxiques, notamment les phosphates, les nitrates, les effluents d'eaux usées et le ruissellement des eaux pluviales. La baie du Grand Cul-de-Sac-Marin est un bassin qui collecte toutes les pollutions provenant de la côte.
Le réchauffement climatique : une augmentation de la température au-dessus de 28°C aurait un impact négatif sur la fertilisation et l’embryogenèse. Au-delà de 32°C, les oursins blancs utilisent toute leur énergie pour se maintenir en vie, ainsi ils ont moins d’énergie pour produire des œufs et se reproduire.
Des thermographes (enregistreur de la température de l’eau de la mer) sont installés dans la baie du Grand Cul-de-sac marin à différentes profondeurs (-23m) et (-10m). Ils permettent de calculer le nombre de jours ou la température a dépassé 28°C et d'obtenir la température maximale atteinte.
En 2016, le thermographe situé à 23 mètres de profondeur a enregistré 247 jours au-delà du seuil de tolérance pour la fertilisation et l’embryogenèse des oursins blancs. C’est à partir de cette année-là que les abondances d'oursins blancs pour le site de Fajou et l’abondance d'oursins verts pour le site de la Passe à Colas ont commencé à diminuer.
Les années suivantes révèlent également des températures supérieures à 28°C dont la durée a varié entre 5 et 7 mois avec des températures maximales pouvant atteindre 30,7°C.
La prédation : certains gastéropodes comme les casques (Cassidae) et certains poissons de récifs comme les Balistes sont des prédateurs d’oursins. Cependant, ces prédateurs n’ont pas été observés au cours des suivis.
En conclusion, les causes du déclin des populations d’oursins peuvent être dues à différents facteurs :des facteurs environnementaux (pollution, réchauffement climatique…), des facteurs biologiques (prédation, fluctuations naturelles des populations…), des facteurs de gestion.
Depuis 2022, les mesures de protection semblent insuffisantes à la conservation des oursins verts et des oursins blancs. Cependant, ces suivis vont se poursuivre afin de connaître l'évolution de ces différentes tendances selon les sites échantillonnés.
