Alchimie étonnante aux confins de la terre et de la mer, les étendues marécageuses opèrent un processus de transformation de la vie marine à la vie terrestre, de l’eau salée à l’eau douce, de l’élément liquide au solide, de la métamorphose à une vie nouvelle. La forêt marécageuse d’eau douce fait suite à la mangrove dans les espaces demeurant inondables mais hors d’atteinte de la marée, le long des rivières et dans les plaines côtières. Le paysage y est très différent, la végétation tout aussi dense mais davantage diversifiée, dominée par le majestueux Mangle médaille ou Sang- Dragon (Pterocarpus officinalis), arbre de 15-30 mètres qui présente à la base du tronc de puissants contreforts en forme de palettes.
En arrière de la mangrove et de la forêt marécageuse, ou entre ces deux forêts, s’étendent des formations herbacées d’aspects très divers : prairies humides pâturées par des bovins, savanes inondées, marais d’eau douce ou marais saumâtres à Herbe coupante (Scleria secans) ou à Fougère dorée (Acrostichum danaeifolium), difficilement pénétrables. La flore y dépend essentiellement des conditions d’humidité et de salinité des sols.
Ces formations côtières et inondées de la Guadeloupe sont localisées dans les régions basses du littoral, principalement au niveau du Grand Cul-de-Sac Marin et commencent à apparaître sur la commune de Sainte Rose et s’étendent jusqu’à Port Louis, au nord-ouest de la Grande Terre. Les sites de Petit Canal et Morne à l’eau abritent une avifaune rare et originale pour les forêts littorales humides (Pic de la Guadeloupe...).Ces peuplements sont habités par des animaux filtreurs. Ils sont en majeure partie consommés par des animaux qui viennent du lagon. Actuellement on recense 101 espèces vivant sur les racines de palétuviers. Les forêts marécageuses, véritables nurseries, sont aussi des zones de première importance pour le renouvellement de toute une partie de la faune sédentaire ou migratrice (oiseaux, poissons, chauves-souris...), ainsi que des ressources biologiques.
Le déboisement a tendance à toucher la forêt marécageuse et la mangrove haute et provoque la disparition de l’habitat des oiseaux nicheurs ainsi que la fragmentation de ces milieux, entraînant la diminution de la richesse spécifique. A cela s’ajoutent la pollution (les mangroves sont considérées comme des dépotoirs) et la chasse qui a entraîné l’extinction d’espèces telles que le Ara de Guadeloupe et qui peut perturber l’équilibre faunistique naturel.Des espèces endémiques de la Guadeloupe ou des Petites Antilles sont présentes dans la mangrove haute et surtout dans la forêt marécageuse : le Pic de la Guadeloupe, la Paruline caféiette, la Grive à Pieds jaunes, le Moucherolle gobe-mouche, le Trembleur brun, le colibri madère et le Moqueur grivotte. Les forêts inondées sont fréquentées par 8 espèces de chiroptères dont le rarissime Chiroderme de la Guadeloupe (Chiroderma improvisum) (une des 10 espèces de Chiroptères les plus rares au monde), espèce endémique de la Guadeloupe et de Montserrat qui n’est connue qu’en forêt marécageuse.