Une espèce exotique envahissante, qu’est-ce que c’est ?
Les Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) sont constituées d’animaux, de plantes, de champignons et de micro-organismes introduits et installés dans l’environnement, en dehors de leur habitat naturel. Leur succès reproducteur et ses conséquences pour la disponibilité des habitats et des ressources pour les espèces indigènes font des EEE l’une des principales causes de l’appauvrissement de la biodiversité dans le monde. Les conséquences de cet appauvrissement sont d’autant plus pénalisantes pour les milieux insulaires, par définition isolés, hébergeant de nombreuses espèces endémiques (espèces indigènes que l'on retrouve en une région particulière) et dont les écosystèmes sont déjà très impactés par le réchauffement climatique, la destruction des habitats, le tourisme, diverses pollutions... C’est pourquoi la lutte contre les EEE fait partie de la stratégie nationale pour la diversité biologique (programme SNB 2011-2020).
Plus précisément, les EEE en Guadeloupe
Plus spécifiquement, dans les départements d’Outre-mer, les espèces introduites se trouvent parmi les principales pressions anthropiques affectant les organismes amphihalins (organismes aquatiques migrant entre eau douce et eau salé suivant les périodes de leur cycle de vie).
Pour citer un exemple d’espèce exotique envahissante en Guadeloupe, en 2014, un poisson d’aquarium communément appelée "Pléco", a été identifié dans la ravine Borine sur la commune de Saint Claude. Il s’agit en fait de l’espèce Ancistrus triradiatus, au fort potentiel reproducteur et très concurrente de Sicydium sp., une espèce autochtone de la Guadeloupe.
Le projet GUAD3E
Ce projet vise à mettre au point une technique de détection et de surveillance innovante des EEE aquatiques animales en Guadeloupe. En effet, dans la nature, certaines espèces sont difficilement observables et peuvent donc rendre compliqué le suivi de la biodiversité. Mais depuis quelques années, une méthode génétique propose d’inventorier les espèces présentes dans un milieu directement au travers de leur ADN, à partir d’un simple prélèvement d’eau ou de sol. Cette méthode, appelée ADN environnemental (ADNe), est plus simple à appliquer sur le terrain qu’une méthode classique d’inventaire. De plus, particulièrement bien adaptée à la gestion des EEE, celle-ci a déjà fait ses preuves en métropole. Ce projet prévoit donc d’intégrer cette nouvelle méthode et de la tester dans le contexte guadeloupéen, où l’hydromorphologie et les conditions physico-chimiques des cours d’eau, les espèces présentes et les conditions environnementales sont très différentes.
La méthode ADNe, comment cela fonctionne ?
L’ADNe se définit comme l’ADN pouvant être extrait d’échantillons environnementaux tels que le sol, l’eau ou les fèces. Cette méthode repose sur le fait que toute espèce excrète de l’ADN dans son environnement et que cet ADN y persiste pendant un certain temps. Si ces traces d’ADN sont détectées dans les échantillons d’eaux douces analysés dans notre cas, cela peut donc signifier la présence récente de l’espèce correspondante. En effet, en milieu aquatique, l’ADN libéré par un organisme pourra être détecté pendant seulement quelques jours. En pratique, l'ADN présent dans l'eau est capturé par filtration puis extrait en laboratoire. Deux approches sont ensuite possibles, l’une dite "spécifique" permettant de cibler l'ADN d'une espèce en particulier et l’autre dite "multispécifique" permettant de cibler l'ADN de l'ensemble des espèces appartenant à un groupe taxonomique en particulier tel que les poissons par exemple. Ces fragments d'ADN, qui sont amplifiés puis séquencés, sont ensuite comparées à une base de référence préalablement établies avec les espèces locales ou à une base de données publiques internationale telle que GenBank © .
Les acteurs du projet
Ce projet est issu d’un partenariat public/privé entre le Parc national de la Guadeloupe en tant que chef de file du projet et SPYGEN, laboratoire spécialisé dans l'inventaire et le suivi de la biodiversité par l'ADN environnemental, en tant que partenaire du projet. Le Parc national de la Guadeloupe dispose de fortes connaissances sur les milieux et les espèces du territoire et a pour objectif à travers ce projet de préserver les milieux naturels. L'objectif de SPYGEN est d'améliorer les méthodes d'inventaire et suivi de la biodiversité par l'ADNe et d'aboutir à une méthode performante sur le territoire Guadeloupéen. L'équipe de projet est complétée par 2 prestataires de service, Marion Labeille et Estelle Lefrançois (Eco in'Eau) qui apporteront leur expertise dans les milieux aquatiques et la biodiversité tropicale. Programmé pour une durée de 2 ans, le projet sera financé par des fonds européens (FEDER), l’Office de l’Eau de la Guadeloupe et le Parc national de la Guadeloupe.
Premiers résultats attendus
À l'issu de cette phase du projet, la base de référence génétique des espèces de poissons et de crustacés des rivières de Guadeloupe sera constituée et un inventaire des espèces identifiées par la méthode ADNe sera établi. Ces données pourront être comparées à la liste des espèces identifiées à partir des pêches électriques réalisées dans le cadre de ce projet. À la suite de ces résultats, l’objectif sera de définir les avantages et les limites de la méthode d’inventaire ADNe et de mettre en place des préconisations pour l’utilisation future de cette méthode d’échantillonnage aux Antilles.